Au Venezuela, la guerre de la communication fait rage: chaque information publiée par un média est immédiatement démentie par les organes du camp adverse et l’information objective n’a quasiment plus droit de cité.
Chaque jour, la télévision publique VTV acquise à Nicolas Maduro, l’héritier du défunt Hugo Chavez, dénonce les attaques de l’opposition, qualifiée de séditieuse et de fasciste. En face, la chaîne privée Globovision accuse d’abus de pouvoir le gouvernement, également qualifié de fasciste.
Depuis la forte « polarisation » de la vie politique vénézuélienne provoquée par l’arrivée au pouvoir de Hugo Chavez en 1999, les Vénézuéliens « ont choisi deux champs de bataille: l’électoral et le médiatique, sur lesquels s’affrontent les deux projets pour le pays », explique à l’AFP Maryclen Stelling, sociologue et membre de l’Observatoire global des médias.
Par exemple, lorsque la VTV accusait les opposants d’être à l’origine des violences post-électorales ayant fait huit morts (selon le gouvernement) au lendemain de la présidentielle du 14 avril, Globovision donnait la parole à des ONG dénonçant des détentions arbitraires, des tortures et des cas de harcèlement sur le lieu de travail.
Et cette « guerre de l’information » sans merci se déroule également sur le terrain des sources.
Vendredi, le gouvernement accusait ses opposants d’avoir assassiné le dirigeant chaviste Johnny Pacheco dans l’est de Caracas. Samedi, le quotidien d’opposition El Universal répliquait en publiant une interview de son épouse, Liliana Paez, dans laquelle elle expliquait qu’il s’agissait d’un crime crapuleux. Et le lendemain, c’est le frère de la victime Raul Pacheco, qui, dans les médias d’Etat, validait la thèse d’un assassinat politique et soutenait mordicus que sa belle-soeur n’avait parlé à personne.
« Les médias se sont convertis en armées médiatiques défendant chacune leur vérité », poursuit Mme Stelling. Dans cette guerre, « tu ne confirmes jamais la source, car tu es dans la tranchée (…) Les journalistes sont les soldats, les citoyens sont les victimes ».
Un autre front s’est plus récemment ouvert sur Twitter. Les chavistes ont même mobilisé leur TROPA (troupe, ndlr) de « Twittos Révolutionnaires Organisés pour la PAtrie » pour répondre à la meute d’opposants très actifs sur le site de micro-blogs.
« Si tu as un journaliste (de l’opposition) qui dit quelque chose, le gouvernement a 50 journalistes qui disent autre chose », constate le père jésuite Wilfredo Gonzalez, sociologue et membre du Centre Gumilla pour l’enquête sociale.
L’ensemble des analystes estiment que l’événement qui a précipité cette guerre médiatique est le coup d’Etat manqué en 2002 contre Hugo Chavez, qui avait été brièvement délogé du pouvoir avec la complicité des principaux médias du pays, mettant en relief la faiblesse des organes gouvernementaux.
Depuis, le paysage médiatique auparavant monopolisé par les médias privés acquis à la droite a été sensiblement remanié.
En 2005, le canal international Telesur a été créé pour défendre la révolution bolivarienne chère au président Chavez. En 2007, la licence de Radio Caracas Télévision (RCTV), chaîne à forte audience acquise à l’opposition, n’a pas été renouvelée, et en 2009 une trentaine de stations de radio ont disparu, faisant souvent place à des canaux communautaires subventionnés.
Et en mars, les propriétaires de la chaîne de télévision privée Globovision ont annoncé sa vente prochaine, évoquant le harcèlement exercé par l’Etat avec la complicité des autorités judiciaires.
Dans le « Plan pour la gestion bolivarienne socialiste 2013-2019 » présenté par Hugo Chavez avant son décès début mars et repris à son compte par son successeur, il proposait « de renforcer l’utilisation des médias comme instrument de formation pour la transition vers le socialisme ».
Et dans cette optique, l’impartialité n’est plus pertinente, juge Mme Stelling.
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