Pour Raul Baduel, ancien camarade de route de Chavez embastillé depuis 2009, même l’opposition a trahi les Vénézuéliens.
«La situation du Venezuela est si chaotique aujourd’hui qu’une crise majeur menace celui qui est à la tête de l’État (Nicolas Maduro). Malversations, dilapidation de l’argent du pétrole, inflation, dévaluation, pénuries, endettement, tout cela peut déboucher sur une crise sociale. Je prie Dieu qu’il nous préserve d’une explosion sociale.» Le général Raul Baduel observe avec inquiétude l’évolution de son pays depuis sa prison militaire de la banlieue de Caracas, où il est enfermé depuis 2009. Il bénéficie d’une cellule confortable et écoute en boucle des chants grégoriens. Sur les murs de sa cellule, des portraits de Nelson Mandela, Martin Luther King et Gandhi. Livres et images pieuses occupent le moindre recoin.
«Le général Baduel conserve un grand prestige au sein de l’armée, explique Leocenis Garcia, directeur du groupe de presse Sexto Poder. Il en tire une réelle influence au sein des forces armées.»
Accusé de corruption et emprisonné en 2009, juste après s’être opposé au référendum sur la Constitution voulu par Hugo Chavez (le seul scrutin perdu par le leader du «socialisme du XXe siècle» en quatorze ans de pouvoir), le général Baduel a été condamné à huit ans de prison. Le dernier poste qu’il occupa sous Chavez était ministre de la Défense. Baduel est l’un des quatre officiers qui, avec Hugo Chavez en 1982, ont créé l’Ejercicio Bolivariano de Venezuela 2000, EBR2000.
«Ce qui s’est passé le 14 avril (jour de l’élection présidentielle gagnée par Nicolas Maduro) est le résultat d’une manipulation électorale, affirme le général. Avec le système informatique que les Cubains ont installé, les autorités savent à tout moment qui a voté le jour du scrutin. Elles ont aussi des résultats partiels. Si le candidat du gouvernement accuse un retard, le téléphone devient une arme électorale efficace.» Selon Raul Baduel, on rappelle alors aux personnes qui ne se sont pas déplacées qu’elles bénéficient des «missions» sociales et que cela peut s’arrêter. Des groupes de motards, les motorizados, stationnent autour des bureaux de vote. «C’est une menace silencieuse mais très efficace. Dans un pays où la violence est un véritable fléau, il est facile de faire peur aux gens.» L’élection de Nicolas Maduro est contestée par l’opposition, qui dénonce des fraudes. Le pouvoir affirme de son côté que le système électoral vénézuélien est l’un des plus modernes et a été salué par la Fondation Carter comme «le meilleur du monde».
L’attitude du candidat de l’opposition Henrique Capriles ne satisfait pas davantage Raul Baduel. «Les jeunes ont manifesté avec courage devant les représentations régionales du Conseil national électoral (CNE) pour dénoncer les fraudes. Ils se sont mobilisés et lui ne les a pas soutenus. Il a ensuite annulé une manifestation vers le CNE de Caracas dont il devait prendre la tête. Il a provoqué une démobilisation de la population dans sa volonté d’exprimer son ras-le-bol des tricheries électorales.»
Henrique Capriles a expliqué que des sources sécuritaires vénézuéliennes l’avaient informé que des personnes étaient prêtes à s’infiltrer pour faire dégénérer la manifestation. Les violences lors de la contestation du résultat le lendemain du scrutin ont provoqué la mort de huit personnes, selon le ministère de l’Intérieur vénézuélien.
«J’étais très proche de Chavez mais je n’ai jamais été chaviste, tranche le général Baduel. Quand nous avons prêté le serment de Saman de Güere en 1982, nous nous sommes promis de tout faire pour mettre en place une démocratie solide et profonde avec un fort contenu social. Je pense que, depuis 14 ans, ce serment a été perverti.»
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