Les supermarchés de Caracas deviennent souvent un champ de bataille. « Dès qu’on annonce l’arrivée d’un produit, tout le monde se précipite dessus. On s’arrache tout. Comme nos achats sont limités, on appelle la sœur, la nièce, la cousine, pour qu’elles mêmes arrivent au plus vite pour refaire nos stocks. C’est effrayant», raconte Jenny Barazarte, 35 ans, qui vit depuis sept ans entre Caracas et Paris.
Des histoires comme celle-là, les Vénézuéliens en ont plein à raconter. En effet, le panier de la ménagère est devenu bien maigre. La cause ? Dans un pays aussi polarisé, il y a une version d’Etat relayée par ses soutiens et la version du secteur privé et celle de nombreux chercheurs partagée par bon nombre d’habitants. Et tout cela sur fond de guerre médiatique. Selon la version officielle, l’industrie privée de l’agro-alimentaire monopolise toute la production dans le but de créer de la spéculation et déstabiliser le pays. C’est le discours que Chavez a tenu pendant quatorze ans. En pleine campagne électorale, Nicolas Maduro le reprend à son compte. Comme son prédécesseur en 2010, il a menacé de nationaliser Polar (celle-ci fabrique de nombreux produits essentiels dont la très recherchée harina pan), coupable, à ses yeux, de la pénurie alimentaire. Cette version est appuyée par le résultat d’inspections menées dans les usines où on trouve souvent les produits manquants. Luis Carrera, originaire de Caracas, privilégie cette thèse : « Les patrons de Polar ou les autres ont déjà reconnu avoir des stocks de tout ce qui manque comme les couches ou le sucre. Pourquoi donc on ne les retrouve pas dans les magasins ? Mais je peux vous assurer que vous allez toujours trouver de la bière dans les rayons !»
La société, qui emploie environ 48.000 personnes et produit 10% des aliments, s’est fendue d’un communiqué : « Notre production est à capacité maximale. […] Nous avons produit en moyenne 73,356 tonnes d’aliments, soit une augmentation de 3% par rapport à la même période l’année dernière. Mais il existe des conditions qui mettent en échec la production et distribution des aliments.» Au cœur du problème : la Commission d’administration de devises (Cadivi), comme l’explique Paula Vazquez docteure en anthropologie politique et sociale membre du Groupe d’études interdisciplinaires sur le Venezuela : C’est auprès de cette instance gouvernementale qu’il faut faire toute demande de dollar en échange de bolívares (la monnaie nationale) en vue d’une quelconque importation. « Les longs délais de traitement des dossiers retardent les importations de matières premières et d’équipement pour l’entretien des machines. Ce qui décourage la production nationale et encourage le marché noir où le dollar peut être quinze fois plus cher. »
Pour mettre fin à ce problème, le candidat de la droite libérale, Henrique Capriles promet de mettre fin aux expropriations et encourager le dialogue entre propriétaires terriens et exploitants qui bénéficieront de formations et micro-crédits. Hugo Chavez avait fait les mêmes promesses, sauf celle de l’arrêt de nationalisations. C’est aussi le programme de Nicolas Maduro.
«Si rien n’est fait, la solution viendra de la population. Ces dernières années, elle a acquis une maturité politique incroyable, elle veille au respect de ses droits. Les Vénézuéliens sont de venus très exigeants vis-à-vis de la classe politique et ils sauront se faire entendre», estime Roberto León Parili de l’ONG Anauco.
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