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Les motards ont envahi le Venezuela. Avec leurs bombes noires, inspirées des casquettes de base-ball mais ressemblant plutôt aux casques à pointe, on croirait que l’armée prussienne s’est reconvertie sous les tropiques. Ils déboulent à toute berzingue entre les files de voitures et dans les minuscules rues qui déchirent les bidonvilles du pays. La politique de contrôle des importations d’automobiles lancée par le gouvernement révolutionnaire a fait exploser la vente de motos à la fin des années 2000. Là où une vieille Twingo coûte désormais au moins une trentaine de mois de travail au salaire minimum, une moto neuve en vaut à peine cinq.

 

Marian Dias possède une société de moto-taxis dans l’un des quartiers très pauvres qui surplombent Caracas. Tout en enfourchant sa moto Empire de fabrication chinoise – la Chine a acquis la quasi-exclusivité du marché vénézuélien -, Marian assure que le succès de ces véhicules vient de leur faculté à se faufiler au milieu des embouteillages : «On passe partout, et les gens nous payent bien pour ça.» On compterait près d’un million de motards au Venezuela, contre quelques milliers au début des années 2000. Leur prolifération est «une véritable plaie»,s’insurge Juan José Hernandez, un chauffeur de taxi. Ce ne sont pas les nombreux accidents qui l’inquiètent, mais les assauts des motards. Au Venezuela, l’un des pays les plus violents au monde, les carjackers ne font pas dans la dentelle. C’est «la voiture ou la vie», alors Juan José garde toujours fermées ses vitres tintées et prend les plus grandes précautions. Sous la pression, les automobilistes vénézuéliens ont progressivement acquis un sixième sens de l’angle mort. Et lorsque la nuit tombe, il n’est plus question de s’arrêter au feu rouge ou de s’engager dans une zone à risque. «Encore, s’il n’y avait que la délinquance, mais il y a aussi la politique», s’énerve Victor Perez, un jeune ingénieur. Les partisans du défunt Comandante Chávez ont pris l’habitude de «défendre la révolution» à moto. Anonymement, avec l’étiquette de «collectifs armés» ou sous diverses appellations comme les Chevaliers de la révolution, ils perturbent les manifestations de droite ou font de la publicité pour le gouvernement socialiste.

 

Le motorizado est devenu un véritable mythe. Jusque-là associé aux délinquants et aux partisans du gouvernement, ce terme fourre-tout tend à se démocratiser. Le 14 avril, jour de l’élection contestée du président Nicolás Maduro, les motards descendus des collines vers les quartiers riches de Caracas n’étaient pas tous vêtus de rouge. Une bonne partie portait le jaune de l’opposition.

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