Il n’y a pas si longtemps, le Train d’Aragua (TdA) était totalement inconnu hors du Venezuela. Surgi localement dans les années 2010, pratiquant l’extorsion, le proxénétisme, la traite d’êtres humains, l’activité minière illégale, le vol et les enlèvements, le gang prit en outre littéralement le contrôle de ce qui allait devenir son bastion, la prison de Tocorón. Un coup fatal lui fut porté quand, d’une part, furent arrêtés nombre de ses leaders et que, d’autre part, en septembre 2023, menée par un vigoureux dispositif policier, l’Opération de libération Cacique Guaicaipuro rétablit l’autorité de l’Etat sur l’établissement pénitencier. Dernier fait d’arme notable, le principal chef du TdA, Héctor Guerrero, s’échappa juste avant ce moment décisif. D’autres prisons ayant également été récupérée par l’Etat – Yaracuy, Trujillo, Tocuyito –, l’organisation en tant que telle se trouva alors définitivement désarticulée.

Pour autant, toute sa piétaille n’avait pas été détenue. Suivant le flot de la migration vénézuélienne, nombre de ses ex-membres se sont déplacés au fil des années vers les pays de la région (Colombie, Pérou, Equateur, Chili, etc.) et (très peu) vers les Etats-Unis. Individuellement ou en cellules limitées et localisées, ils y ont repris leurs activités délictueuses, mais sans être en rien comparables aux grands cartels structurés, hiérarchisés et répondant aux directives de commandements centralisés.

Cette nébuleuse sans liens organiques cesse néanmoins d’en être une quand, en 2023, « pour les besoins de la cause », l’Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP ; un regroupement de journalistes dits « d’investigation »), Insight Crime, CNN, Telemundo et The Economist entreprennent d’en faire une « organisation criminelle transnationale » liée au gouvernement bolivarien. Le 5 décembre 2024, la Heritage Foundation enfonce le clou en publiant un rapport de Joseph Humire, directeur du Center for a Secure Free Society (SFS), un think tank conservateur lié à la droite extrême des Etats-Unis. Fusionnant un flot d’informations partielles en un méli-mélo frénétique, Humire avance des arguments aussi ahurissants que : « Parce qu’il est lié au gouvernement vénézuélien, le TdA a des ciments socialistes [5] ». Totalement inféodé à Trump, le directeur nommé par celui-ci à la tête du FBI, Kash Patel, va reprendre à son compte et servir sur un plateau à son « boss » ces divers éléments. Tout ce qu’il y a de cynique en Trump grogne de satisfaction.

Dans certaines circonstances, et généralement hors de France, les médias produisent de l’information. C’est en effet le New York Times qui rend public un rapport daté du 7 avril 2025, signé par le Conseil national du renseignement (NIC) [6]. De la CIA à l’Agence de sécurité nationale (NSA) ce dernier regroupe dix-huit organismes – pas un de moins ! – chargés aux Etats-Unis de la surveillance du crime organisé. Titré « Venezuela : Examining Regime Ties to Tren de Aragua » (Venezuela : en examinant les liens du régime avec le Train d’Aragua ») le rapport dément d’abord toute « invasion orchestrée » puis met à bas la théorie du complot chère à Trump. S’il note en effet que « des fonctionnaires [vénézuéliens] de bas et moyen niveau en tirent probablement des gains illicites », le document assure que « le régime de Maduro n’a probablement pas pour politique de coopérer avec TdA et ne dirige pas les mouvements et les opérations de TdA aux Etats-Unis ».

Source : L’imagination très limitée d’un certain Donald T., par Maurice Lemoine |


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